Rapports de missions post sismiques • 2019 Albanie

Caractéristiques générales

Deux séismes de magnitude supérieure à 5 se sont produits à 2 mois d’intervalle en Albanie. Le 26 novembre 2019, à 2h54 UTC, un séisme de magnitude Mw=6,4 a eu lieu à 30 km au nord de Durrës. Jusqu’au 30 Novembre, près d’une centaine de répliques ont été ressenties, dont 22 avec une magnitude supérieure à M=4, et 4 avec une magnitude supérieure à M=5. Les zones les plus touchées sont la ville de Durrës, et la ville de Thumanë au centre Ouest de l’Albanie. Le bilan fait état de 51 victimes, plus de 650 blessés, plus de 4000 personnes déplacées dans 12 zones de regroupement d’urgence (bungalows ou tentes), et un hôpital a été endommagé.

La réponse de l’Europe s’est matérialisée par le déblocage immédiat d’un fond d’urgence de 300 000 €, et du déploiement d’une équipe de la Protection Civile pour la Cellule de Coordination. La mise en œuvre de l’European Civil Protection Mechanism (EUCPM) s’est réalisée à travers les unités de recherche, sauvetage et déblaiement (Medium Urban Search And Rescue) et d’ingénieurs structure pour les évaluations de dommages aux bâtiments (Structural Assessment Capacity).

Caractéristiques sismologiques

Le mécanisme au foyer  du séisme du 26 novembre 2019 indique le jeu en faille inverse sur l’une des failles de chevauchement ou de retro-chevauchement de la région. Les localisations hypocentrales fournies par différentes agences diffèrent de manière significative (de plus de 10 km sur la localisation de l’épicentre). Une relocalisation de l’évènement principal et de ses répliques nécessite le développement d’un modèle de vitesse crustal spécifique à la région. Les images satellites indiquent que la zone épicentrale a été soulevée de près de 8 cm tandis que les données accélérométriques semblent indiquer un soulèvement permanent d’environ 1.2 cm à Durrës. Les accélérations maximales mesurées sur les 15 premières secondes de signal ayant pu être enregistrées dans la ville de Durrës sont de 0.12 g, 0.19 g et 0.11 g sur les composantes E-O, N-S et verticale. Les spectres de réponse correspondant indiquent des accélérations spectrales fortes (environ 0.5 g) entre 0.3 s et 1s pour un amortissement de 5%. De nombreuses répliques ont suivi le choc principal:  4 répliques de magnitude M>5 ont été enregistrées dans les 48h et plus de 26 répliques de magnitude > 4 dans l’ont été dans le premier mois. Ce séisme a été ressenti dans les pays alentour (par ex. au Montenegro, en Italie et en Grèce). Les intensités relevées ont été de niveau VIII pour la zone épicentrale, et de VI à VII entre Tirana et Durrës

Conséquences structurales et géotechniques

Les désordres observés sont majoritairement dans les bâtiments d’habitation collectifs de typologie similaire : ossature béton armé avec remplissage maçonnerie. La grande majorité des dommages sont des ruptures des panneaux de maçonnerie dans et hors plan, avec des conséquences sur les ossatures principales du type poteaux dalle, des effondrements partiels ou totaux ont été observés sur des constructions parfois récentes en béton armé et maçonnerie par transparence des premiers niveaux et par perte de capacité portante du sol avec ou sans rupture des fondations lors de manifestations localisées du phénomène de liquéfaction des sols à Durrës.

Des désordres graves à effondrements sont observés pour des constructions individuelles vétustes en maçonneries non chaînées dans les zones rurales.

À Durrës, les désordres recensés se localisent majoritairement dans l’emprise du bassin profond de Durrës, rempli de matériaux alluvionnaires et ayant probablement été sujet à des effets de site multi-dimensionnels en raison de sa morphologie. Plus précisément, la distribution des désordres coïncide avec les bordures occidentales et orientales du bassin de Durrës avec, en première analyse, un lien avec l’épaisseur de couverture alluvionnaire. En bordure orientale, cette distribution se confond aussi avec la zone littorale et péri-littorale où une manifestation localisée de liquéfaction des sols a été décrite. Des incertitudes demeurent sur l’épaisseur maximale et sur le profil de vitesse des alluvions. Tirana est également implantée sur un bassin alluvial entouré de relief, mais les vitesses plus fortes des ondes de cisaillement et une plus faible épaisseur de couverture, pourraient conduire à des effets de site moins marqués qu’à Durrës.  

Les projets de réparation et reconstruction nécessiteront la réalisation de diagnostic approfondis des structures, et le déploiement  de stratégies de renforcement adaptées aux typologies et méthodologies de construction locales.

Conséquences socio-économiques

Cette crise sismique a touché des zones urbaines et rurales plus ou moins peuplées, plus de 200 000 personnes au total ont été affectées dans le pays, 47 000 directement et 153 000 indirectement. Le bilan est très lourd : 51 victimes, plus de 913 personnes blessées et jusqu'à près de 17 000 personnes accueillies dans les structures temporaires. Le tremblement de terre a été décrit par les autorités nationales comme le plus violent à avoir frappé l'Albanie en 30 ans. L'évaluation préparée dans le cadre de l’évaluation des besoins après catastrophe à conclu que près de 1,08 milliard d’euros serront nécessaires à la reconstruction. Le secteur du logement présente à lui seul près de 76% des besoins.

Dégâts caractéristiques